« Ne dites plus : travail ; dites : bagne ! »

Le capitalisme, son enfant terrible le libéralisme financier et le patronat louent les vertus du travail. Or le travail est l’instrument privilégié du capitalisme pour dominer les individus en les persuadant qu’ils gagnent ainsi leur liberté. C’est une légende qui tient depuis des siècles. En réalité le travail contre salaire est une domination sociale extrêmement ancrée dans notre société. Cette hérésie fait consensus depuis l’individu jusqu’au patronat en passant par les corps sociaux intermédiaires. Nous avons bien eu, en France, quelques penseurs hétérodoxes qui se sont élevés contre le travail, depuis l’utopiste socialiste Charles Fourier, qui a appelé à l’abolition de la séparation entre travail et loisirs ; le gendre rebelle de Marx, Paul Lafargue, qui a réclamé le droit à la paresse ; le père du surréalisme André Breton, qui réclamait une «guerre contre le travail» ; et, bien sûr, le situationniste français Guy Debord, auteur du fameux graffiti «Ne travaillez jamais !». Mais le travail a la vie dure, et sa cohorte de maux collatéraux également (chômage, déclassement social, misère, souffrance, suicide, …). Le leitmotiv du néo capitalisme selon lequel « le temps, c’est de l’argent », n’a pas sa réciproque « l’argent c’est du temps ». Ce sont toutes ces vies enchaînées, meurtries et sacrifiées à la production qui deviennent la mesure du temps capitaliste.

C’est cette pression constante du temps qui donne au capitalisme sa dynamique univoque, historique et destructrice ; sa nécessité de croître et de s’étendre constamment, de dominer toujours plus «rationnellement» et d’utiliser scientifiquement l’énergie humaine et le monde naturel. Plus on peut réduire le temps de travail nécessaire à la réalisation d’un produit moins il devient coûteux de le fabriquer, plus le taux de plus-value réalisée est élevé ; jusqu’à ce qu’un concurrent comble son retard, alors tout le cycle recommence à partir d’un nouveau standard technologique. C’est bien ce cycle infernal qui crée le consumérisme sur lequel s’appuie la puissance libérale.

Le mécanisme concurrentiel intégré au travail signifie qu’un temps de production universel et abstrait devient la mesure de tout ; il ne peut y avoir de cycles «improductifs», le processus de travail doit être intensif et les baisses de rendement pendant les heures de travail doivent être réduites au minimum. Sans cesse le patronat s’est élevé contre la réduction du temps de travail. Les 35 heures hebdomadaires sont un caillou dans la chaussure du patronat qui assimile cette disposition à une perte de productivité, donc de bénéfices et d’ascendant concurrentiel. C’est cette dynamique qui façonne et amène le côté phénoménologique du travail : l’éthique du travail, la semaine de travail, la division du travail, le travail salarié, le lieu de travail, les différentes classes sociales (et leurs rôles) et tout ce qui est, à juste titre, généralement discuté dans le cadre d’une étude liée au «travail».

Abolir le capitalisme et son enfant terrible, le libéralisme financier, suppose une éradication du travail qui transforme l’individu en machine à produire pour créer de la plus-value capitalistique qui croît les inégalités et réduit les individus à l’état d’esclaves.

Par ailleurs, le travail crée des produits alimentant la consommation qui enrichit le capital et qui détruit l’environnement. Il est urgent de se (re)pencher sur cette question essentielle et de définir d’autres modes de vie.

Alors quoi ? Le revenu universel, la gratuité, la répartition des tâches… Il va bien falloir réinventer un monde sur les ruines sociales et environnementales du capitalisme agonisant. Il va bien falloir que nous changions nos modes de pensée, nos paradigmes sociaux. Et ce n’est pas M. Macron pour qui il suffit de traverser la rue pour aller au bagne qui nous donnera la solution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec l’aimable autorisation de Zaïtchick