Lien vers un slam… à crever ! Lila Zarqa
Qui a tué Steve ?
Ce matin le ciel est bleu
mais nos cœurs sont gris
Ma mère m’a appris à me battre
Pour mes idéaux,
à ne pas baisser les bras
Ne pas dire tout bas ce qu’on peut dire tout haut.
Elle m’a dit qu’on finirait par gagner
Elle m’a pas dit quand, faut juste espérer.
Gagner quoi je me le demande
La planète meurt et on l’achève à coup de lacrymogènes dans la face des pauvres gens.
On nous accuse de pas en faire assez depuis nos appartements de cité
Depuis nos petites maisons de campagne
Ils nous regardent désabusés avec mépris du haut de l’Elysée…
de la Maison Blanche ou de Buckingham.
Les rois anciens, les rois modernes, les rois des champs, les rois des villes
Ceux qui s’étouffent sous leurs privilèges
On nous regarde comme des petites fourmis
Ils se la joueraient presque comme Dewey.
Toi tu vis, toi tu vis, toi tu…
Mais maintenant dites-moi
Qui donc a tué Steve ?
J’ai pleuré pour chacun de mes frères,
Pour chacune de mes sœurs
Meurtris par les autorités
Passés sous les roues du pouvoir
Écrasés sous le poids d’assassins en liberté
Mauvais moment, mauvais endroit.
Adama, Rémi, Zyed et Bouna
Mais maintenant dites-moi,
Qui a tué Steve ?
Ils nous laissent là sans réponse,
Sans justice et nos larmes amères en guise de deuil
Paraît que la planète crame, apparemment leur plan c’est de sauver l’argent et de tuer des gens
Parfois je me sens un peu triste pour eux.
Imagine leur tête quand ils brûleront avec nous
Avec les riens et les branleurs
C’est à n’y rien comprendre,
Comment peuvent-ils être aussi cons ?
À croire que quand t’es trop haut
La mort se cache et n’est qu’une plaisanterie
À ces gens je leur dis,
« Survivre dans un livre d’histoire ne te laissera pas en vie pour le voir.
Maintenant regarde sur tes mains
Regarde, le sang ça coule et ça tâche
Si t’as la conscience tranquille, tant mieux pour toi
T’inquiète pas, la mort s’en occupera.
Avec un peu de chance… La justice avant ça. »
Ils assassinent nos grands-mères,
Déportent nos grands-pères
Ils nous tuent au travail, dans la rue
Ils nous tuent même dans nos appartements,
Marseille a perdu un soleil, Zineb…
Mais c’est pas de leur faute
Non, non, c’est les pauvres qui sont bruyants
C’est les jeunes qui font la fête
C’est les peuples qui crèvent de faim
On est trop bête, on ne comprend pas
Toutes ces lois, ces assassinats.
C’est pour notre bien,
c’est pour que le plus grand nombre survive
Le plus grand nombre ou les plus gros comptes en banque…
On ne sait plus, c’est trop confus.
Paraît qu’on n’avait pas à être là
Mauvais moment, mauvais endroit
Trop de victimes, trop de noms
Mais maintenant dites-moi
Mais qui donc a tué Steve ?
Nous on sait bien qu’on va crever
C’est pas la peine de nous précipiter
Ils sont doués, pour un peu ils vont y arriver
On n’a plus rien à perdre mais on n’a pas la force non plus
On est fatigués.
De défaites en défaites, de morts en morts, d’œil perdu en mains arrachées
On se demande si ça vaut la peine
Ma mère m’a dit qu’on allait finir par gagner
Faut pas lâcher, faut pas pleurer.
Ou pleurer de rage alors
Ouais, pleurer de rage et faire naître l’orage
Qui va arracher les toits du monde entier
Ils ne pourront plus se cacher, ils ne pourront plus mentir
Et ils ne pourront plus rien salir.
Il paraît que même dans leurs rangs, y en a qui craquent
Une année noire chez les flicards
Les corps s’entassent dans le malheur
La montagne va finir par cacher le soleil
Mais ces connards en costard garderont leurs lunettes noires.
On ne sait même pas ce qu’ils cachent
L’absence de larmes ou l’absence d’âme.
Mais maintenant dites-moi
Qui donc a tué Steve ?
J’ai le cœur brisé. J’évite les détails.
Je dis les noms du bout des lèvres
Je dis les morts du bout de ma peine
Juste quelques notes pour une réponse
Juste quelques mots pour une question.
Qui a tué Steve ?
Ce matin le ciel est bleu
Et nos cœurs sont rouges
Comme le sang du fleuve
Nos espoirs glacés sur la rive
Mais Qui donc a tué Steve ?
©Lila Zarqa
Auteur, compositeur : Lila Zarqa
Août 2019