Le jour d’après ?

Le jour d’après ? « Nul n’est prophète en son pays », et il serait bon de le rappeler à tous les gloseurs de tout acabit qui fondent leurs analyses sur les certitudes du jour d’« avant ». En revanche on peut s’accorder sur ce qui préoccupe tout le monde et de manière parfois un peu incertaine.

Sur cette crise inédite chacun aura son avis. De ceux qui avec assurance diront que cette crise n’en était pas une et que les mesures prises par les gouvernements et le nôtre en particulier ont été excessives, à ceux qui avec autant d’aplomb clameront haut et fort que la pandémie fut ravageuse. Une majorité écrasante s’accordera à dénoncer l’incurie de ce gouvernement n’hésitant pas à le qualifier de « menteur ». Menteur en effet, E. Philippe qui s’est perdu dans des contradictions effarantes, menteuse A. Buzyn et sa forfaiture avouée tardivement, menteuse S. Ndyaie niant les évidences avec une assurance laissant penser qu’elle considérait les gens auxquels elle s‘adressait pour des demeurés. Menteuse M. Pénicaud qui rejoint ses collègues du gouvernement en admettant la gravité de cette pandémie et qui le jour d’après engage les salariés à rejoindre leur poste de travail. La liste est longue de ces menteurs du gouvernement. Il faut quand même admettre que ce n’est pas non plus une surprise.

Au-delà des mensonges, beaucoup admettent l’amateurisme de ce gouvernement. L’incapacité à produire des masques, les protections et les gels hydro alcooliques a envoyé de facto le corps médical à une contamination programmée. Une indignation de plus pour un gouvernement où les scandales pullulent sur lui comme sur un organisme en décomposition.

Il faudra bien, le temps venu, demander des comptes à ces gestionnaires incompétents sur leurs errements, leur cynisme, leur incurie et leurs mensonges.

On assiste à un débordement de colère sur les réseaux sociaux, dans les journaux. Colère évidemment légitime, comme aboutissement de 3 ans de macronisme délétère, 3 ans de violence inouïe, 3 ans de déstructuration de notre modèle social, 3 ans de choc en vue de réécrire la page blanche d’un capitalisme outrancier sous les directives d’une Union Européenne gérée par des inspirations à la Milton Friedman.

Il est quand même étrange de voir chaque soir sur les balcons citadins fleurir les confinés avec leurs applaudissements indécents pour le corps des soignants. Quand on dit « indécent », il faut bien comprendre que dans ce magma humain figurent des décérébrés qui ont mené ce cuistre au pouvoir par un vote aveugle. Il serait bon de leur rappeler que leur héros a mis en coupe réglée le système de santé déjà épuisé par 10 années de restructuration à la baisse.

On pourrait comme tant de gloseurs faire état de chiffres et de statistiques plus manipulés les uns que les autres en argument final et définitif pour se voir opposer d’autres chiffres et d’autres statistiques. Nous ne voulons pas céder à ces arguments fallacieux, nous souhaitons rappeler la criante vérité, celle du corps médical dans son intégralité qui dénonce depuis des années la maltraitance de l’hôpital public. Nous préférons nous attacher aux faits, car les faits sont têtus.

Les statistiques dont l’éditocratie complice de ces mensonges d’état usent et abusent n’ont pour objectifs que la manipulation et l’endoctrinement. Le terrorisme mathématique est toujours un bon vecteur de manipulation des foules. Nous voudrions citer ici un exemple, peut-être apocryphe. Un jour Diderot, connu pour ses positions matérialistes et athées a rencontré à la cour du tsar de Russie le grand mathématicien Euler profondément chrétien. On s’interrogeait fébrilement sur le choc de ces 2 titans de la pensée. L’histoire rapporte qu’en arrivant à la cour, le mathématicien alla droit vers Diderot et lui lança :

« – Monsieur, (a + bn)/n = x, donc Dieu existe. Répondez ! »

Diderot avait jusqu’alors mis en pièces de nombreux arguments philosophiques en faveur de l’existence de Dieu. Dans cette situation, le philosophe ne trouva rien à répondre, pour l’excellente raison qu’il ne comprenait pas ce qu’Euler venait d’affirmer (et qui n’avait aucun sens !).

On pourrait également citer l’excellente preuve de Kurt Gödel de l’existence de Dieu en logique modale.

Ce terrorisme mathématique consiste à utiliser le prestige de cette science dans le but de confondre, tromper ou autrement embrouiller les gens à qui l’on s’adresse, et les sophistes politiques de tout poil ainsi que les médias en font un usage extravaguant. Ne nous laissons pas berner par ces pseudo arguments objectifs et scientifiques, doutons, doutons toujours.

Macron est un parfait exemple de ces supercheries intellectuelles. A chaque fois qu’il fait état de statistiques ou de pourcentages, doutez et vous aurez raison. Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire admettre, l’économie n’est pas une science exacte, ni plus ni moins que la finance. Ces 2 piliers du capitalisme nient à l’évidence aujourd’hui la dimension humaine de l’organisation sociale.

Au-delà de toute exégèse sur l’origine de cette pandémie et de l’importance qu’on lui a donnée, il reste qu’elle a été révélatrice des limites de ce capitalisme mondialisé et qu’elle a mis en évidence ses contradictions internes. On retrouve, n’en déplaise à ceux qui pensent que Marx est dépassé, les étapes de l’effondrement du capitalisme : concurrence, accumulation et concentration du capital, crises, perfectionnement technique et automatisation, abaissement progressif du taux de profit et pour finir écroulement du système capitaliste. Le Covid19 n’aura été qu’un épiphénomène catalyseur de la chute de ce système.

Tous les gouvernements et celui de Macron en pole position prêchent désormais à l’envi pour un « capitalisme plus humain ». Si ceci n’est pas une très grosse blague, c’est d’un cynisme consommé. Le slogan « la peur a changé de camp » n’a jamais été autant d’actualité. Les membres de la majorité politique et les condors qui les ont placés là ont peur.

La seule chose dont le système du fétichisme de la marchandise a peur, c’est la conscience radicale anti-marchande et anti-étatique qui ne veut pas améliorer l’esclavage salarial mais l’abolir. Et il est probable que nous prenions le chemin de cette prise de conscience.

Muriel Pénicaud, la démente ministre du travail en perpétuelle confusion mentale avec son acolyte dont les aïeux ont malencontreusement échappé aux bois de justice, G. Roux de Bézieux, préviennent dans une tentative désespérée pour sauver ce système moribond qu’il « faudra travailler plus » pour « sauver l’économie ». Il se trouve qu’un des aspects positifs de ce confinement aura fait découvrir aux salariés les bénéfices de l’oisiveté, que cela aura favorisé des prises de conscience et que les forçats du salariat commencent à imaginer un autre monde.

Outre la production qu’ils veulent garantir pour préserver les échanges, poutre maîtresse du capitalisme mondialisé, il faut considérer que le travail est un élément essentiel du contrôle social. Au terme de ce confinement, ils ne manqueront pas de détruire encore plus les protections du travail salarié. La peur sera le plus sûr moyen de ramener le troupeau dans l’enclos de la production. Leur psychologie est fondée sur un principe simple, les hommes ont deux ressorts : la crainte et l’intérêt. Il faut leur faire peur et leur montrer un avantage. Là commence leur manipulation de la stratégie du différé ou comment nous faire accepter des mesures impopulaires (semaine travaillée de 60 heures, arrêt des congés payés, impôt Covid19, etc.). Cette tactique gouvernementale consiste à faire accepter des mesures impopulaires en les anticipant et en les annonçant très longtemps à l’avance comme étant inéluctables. Alors, sous le sceau de la prise de conscience que « demain ça ira mieux et on n’a pas le choix », les salariés seront en effet prêts à accepter ces mesures qui ne prennent pas effet immédiatement. Le sacrifice retardé parait de facto moins pénible et l’opinion publique gardera à l’esprit que l’on pourra peut-être éviter cette catastrophe avant qu’elle ne se produise. Il faudra surtout prendre conscience que la catastrophe est déjà là et que ce n’est pas l’effondrement de cette économie mais ce gouvernement qui en est une. Sans doute appliqueront ils des mesures impopulaires en fonction des marchés du champ économique, 48 h/semaine au BTP, 60 h/semaine aux industries de haute technologie, créant ainsi des clivages dans la population. Il est bien plus facile de dominer une population divisée qu’un corps social uni. Ne serait-ce pas ce qu’ils ont déjà tenté avec leur réforme inique sur les retraites ? Ne serait-ce pas ce qu’ils ont déjà réalisé en laissant croire aux smicards que les salariés appointés à 1500 € étaient des « privilégiés » ?

Le jour d’« après » sera notre affaire, et il sera fondamental de ne pas se laisser guider par la peur qu’ils instilleront. En effet il y a « peur », et ce sont eux qui désormais ont peur, peur de voir s’effondrer leur politique toxique, cette politique qui n’est que l’ombre projetée par les grandes entreprises sur la société. Il est fondamental pour le jour d’« après » de leur signifier que nous avons compris le rôle des médias à leur solde : engranger l’insignifiant dans la mémoire des résignés. Ils tenteront par tous les moyens de nous rendre coupables pour accepter le sort qu’ils nous réservent et c’est bien là le secret d’une autorité quelle qu’elle soit qui tient par la rigueur inflexible avec laquelle elle persuade les gens qu’ils sont coupables. Macron a usé, abusé de ce subterfuge grossier.

Nous ne sommes pas prophètes en notre pays, mais s’il reste une chance de sauver notre monde, ce sera dans cet « après ».

Le 22 avril 2020