Travail, révolution et nouveau monde.

Notre problème n’est pas la désobéissance civile, mais l’obéissance civile. Le problème c’est que les gens sont soumis à d’autres gens qui sont les pires bandits à la tête de l’état mis en place par une mafia capitaliste mondiale.

Nous vivons sans doute une époque charnière de notre monde, celui que l’imbécile élyséen nomme sans vergogne « le nouveau monde ». Nous avons déjà écrit ce que nous pensions de ce nouveau monde dans d’autres textes, à savoir un retour au temps des maîtres de forges du XIX° siècle et nous ne nous étendrons pas ici sur l’outrecuidance de ce cuistre. En revanche nous souhaitons évoquer dans ces temps obscurs où règne la confusion des luttes quelques points qui nous paraissent fondamentaux.

Rares sont ceux qui signalent la dimension patriarcale de la société capitaliste qui assoit son existence sur la marchandise, et le rôle fondateur de la bipartition des sexes dans une société segmentée en une sphère de la valeur et une sphère de la non-valeur. Or il nous apparaît que ce sont ces mêmes références qui ont renforcé les structures de domination, notamment patriarcale, racistes et antisémites et mener aux conflits répétés. La naissance de mouvements féministes structurés est une des oppositions essentielle à cette domination sociale.

Il est dangereux et contre-productif d’attribuer des vertus imaginaires à des luttes sociales qui restent des conflits autour de la distribution des catégories capitalistes sans mettre en discussion leur existence. A ce titre peut-on qualifier de « révolutions » des mouvements tels Occupy ou « Nuits debout » voire les Gilets Jaunes ?

Les conflits sociaux mondiaux réclamant plus de justice et dénonçant les abus incessants d’une financiarisation du capitalisme ont réactivé les repères historiques des luttes passées.

Il est à la fois curieux et heureux de constater que les économistes et les philosophes sérieux fassent de plus en plus fréquemment référence à la pensée de Marx. Le modèle de la « lutte de classes » n’effraie plus, il a perdu son caractère obsolète qu’il avait acquis pendant les années de croissance insouciante pour reprendre toute la vigueur de sa pertinence face à la dure réalité de mouvements revendicatifs tel celui des Gilets Jaunes. Il faut aujourd’hui tout le cynisme macronesque distillé par cet imbécile et ses crétins marcheurs pour nier le vol de la plus-value par les propriétaires des moyens de production.

L’enrichissement des tenants du capital n’a jamais été aussi spectaculaire depuis l’arrivée de l’imbécile élyséen au pouvoir. Rappelons que les 53 plus grosses fortunes mondiales possèdent davantage que la moitié de la population mondiale, que les 100 familles françaises les plus riches vivent de l’intérêt que rapporte l’intérêt de leur capital. Leur richesse se fonde sur des éléments matériels qui prennent corps dans des biens immobiliers, des outils de production, des terres cultivables, des forêts mais aussi dans des valeurs abstraites tels des titres boursiers qui ne sont que des spéculations sur des valeurs probabilistes, en bref des titres pourris qui ont mené ce monde financier et les états au bord du gouffre en 2007/2008. On retrouve tous ces éléments aujourd’hui sur les réseaux sociaux, dans certaines presses et de manière quasi récurrente.

On ne peut que se réjouir de ces prises de conscience.

Les oppositions architecturées autour de ces analyses se dissolvent cependant dans une « dissidence du libéralisme », inspirée par les observations qui ont mené à la définition d’une nouvelle classe sociale créée par le capitalisme, à savoir le prolétariat. Si cette constatation n’est évidemment pas erronée, elle est néanmoins partielle et dépassée. 

Il est d’ailleurs parfois étrange de constater que certaines personnes (fussent-elles de « gauche ») refusent obstinément cette qualification de prolétariat, comme si ce vocable évoquait le XIX° siècle et Zola donc un temps révolu.

Les salariés sont des prolétaires, et il serait préférable de l’accepter pour mieux défendre leur condition dans une opposition naturelle d’intérêts avec le patronat et les détenteurs du capital.

Les mouvements ouvriers se sont longtemps concentrés sur le partage de la plus-value entre les capitalistes et les producteurs de richesse, illustrant ce que Desproges dans une formule devenue légendaire résumait ainsi : « les aspirations des pauvres ne sont pas si éloignées des réalités des riches ». Il faut comprendre par-là que l’aspiration à la répartition de richesses ne remet aucunement en cause le système capitaliste, ni même son avatar financier.

L’abruti vertical élyséen répète à l’envi avec la bénédiction d’un MEDEF triomphant qu’il faut libérer le travail alors que toute mesure raisonnable consisterait à se libérer du travail.

Le dépassement du capitalisme, qui doit nous mener vers un vrai nouveau monde, ne pourra se faire au nom du travail mais seulement au nom d’une activité libre qui sera effectuée en vue de buts concrets et non aux fins de l’accumulation tautologique d’une valeur abstraite.

Le mécanisme travail-valeur-marchandise est une boucle mortifère du système capitaliste qui converge inexorablement vers son effondrement.

Ce mécanisme implique ce que nous ne connaissons que trop, une concurrence féroce entraînant des innovations technologiques toujours plus élaborées, augmentant la productivité du travail, diminuant de facto la quantité de travail par la sophistication des machines et les nouvelles technologies en se substituant au travail vivant impliquant un accroissement du chômage des forces productives. A ce titre il faut noter que la révolution industrielle liée à la microélectronique a été dévastatrice en matière de répartition du travail. L’intelligence croissante des machines a supplanté les tâches les plus automatiques du travail vivant ne lui conférant qu’une valeur abstraite dont le capital a trouvé immédiatement bénéfice dans une plus-value maximisée, de manière transitoire, justifiant les nouvelles fortunes inouïes des nouveaux maîtres de forges que sont les GAFAM.

On assistera au même processus avec l’intelligence artificielle qui outre cette fonction d’accroissement de productivité du travail abstrait se substituera aux libertés de choix des décideurs intermédiaires pour concentrer le pouvoir entre les mains des tenants du capital et de la finance d’emprunt artificielle.

Alors pourquoi les plus gros milliardaires du monde, tels qu’Elon Musk, Jeff Bezos ou Bill Gates s’inquiètent tant de la croissance des applications de l’intelligence artificielle ? Il faut bien comprendre que ce ne sont pas ses conséquences sur le contrôle de la société qui les tourmentent, bien au contraire. C’est la prise de conscience que cette contradiction endogène du monde capitaliste le fait tendre vers ses limites internes absolues. En effet cette probable ultime révolution aura pour effet, déjà sensible aujourd’hui, une diminution de la valeur et de la plus-value par un assèchement du travail vivant et un accroissement non maîtrisé de l’économie virtuelle devenue essentiellement financière. Le retentissement sur l’ordre social engendrera inévitablement une intensification du désordre multipliant les fractures et les inéluctables révoltes.

A ce mécanisme tautologique s’ajoute l’exploitation des ressources naturelles nécessaire à la recherche de solutions technologiques propres à assurer une compétition dans la production mondialisée des marchandises. On ne sait que trop les conséquences sur notre civilisation désormais sur une trajectoire d’un effondrement programmé.

Donc il faut bien entendre que la ruine du système capitaliste, et de son avatar financier, n’est pas due aux oppositions de ses détracteurs, ni même à l’épuisement des ressources naturelles (même s’ils en accélèrent la chute), mais à des raisons internes qui le mènent à une crise finale, entraînant chômage, misère et déstructuration sociale.

Étrangement, cette société dite « libérale » a de moins en moins de travail à fournir mais elle ne tolère pas de vivre sans travail. On pourrait penser qu’il s’agit là d’un paradoxe supplémentaire inhérent à l’évolution du capitalisme. Il convient d’admettre que la définition du travail au sens capitaliste, outre ses valeurs de production, est un élément essentiel du contrôle social dont ce système ne peut -ne veut- s’affranchir. Il est impératif de conserver les travailleurs sous le joug d’un emploi précaire afin de les fragiliser en leur ôtant toute velléité de révolte. Ainsi les illusions d’une société de travail sont prolongées artificiellement.

Partout, ou presque, les mouvements revendicatifs s’organisent autour d’une meilleure distribution du travail, de l’argent et du pouvoir étatique. Seuls quelques mouvements, telles les ZAD, osent s’organiser dans une opposition radicale à cette chimère, et c’est la raison pour laquelle le pouvoir intervient alors avec la plus grande violence, n’ignorant pas le danger fondamental de ces organisations et par crainte de leur propagation.

L’organisation étatique se nourrit de la croissance du capitalisme par le prélèvement de ses ressources sur les revenus du travail vivant. Comment dès lors ignorer la convergence de leurs intérêts mutuels ?

Bernard Arnault dans son torchon « La passion créatrice » déclare sans ambages : « Les entreprises surtout internationales ont des moyens de plus en plus vastes, et elles ont acquis en Europe, la capacité de jouer la concurrence entre les états. L’impact réel des hommes politiques sur la vie économique d’un pays est de plus en plus limitée : heureusement ».

Si Macron et ses idiots en marche doivent cristalliser naturellement toutes les haines des soulèvements présents et à venir, il ne faut pas perdre de vue que c’est dans une éradication complète du système que nous gagnerons un réel « nouveau monde ». Il ne faut pas craindre cette disparition nécessaire à notre survie, elle en est la condition nécessaire. Il ne faudrait pas oublier que le futur n’est pas ce qui va nous arriver mais ce que nous allons en faire et pour réussir nous devons nous organiser en chasseurs de Macron, Philippe et consort qui sont en train d’organiser un sur-servage contemporain.

La seule chose dont le système du fétichisme de la marchandise a peur, c’est la conscience radicale anti-marchande et antiétatique qui ne veut pas améliorer l’esclavage salarial mais l’abolir.