Puisque vous êtes gagnants appelez-moi Manu

Loin de nous l’envie de jouer les trouble-fêtes voire les ratiocinants pénibles mais il faut bien admettre que ces débordements de liesse liés à la coupe du monde football nous ont interrogés. Tout ce tapage médiatique soigneusement organisé est affligeant, et si nous nous référons au premier principe de manipulation des masses attribué à Noam Chomsky nous sommes confondus par la congruence avec cet évènement. Cette première loi, judicieusement appelée « stratégie de la distraction », dit : « Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser ; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de «  ARMES SILENCIEUSES POUR GUERRES TRANQUILLES » : Dix stratégies de manipulation des masses.

On aura évidemment remarqué que notre Jupiter national a outrageusement profité de cette aubaine pour revaloriser son image et peaufiner sa communication. Parmi ses saillies remarquables notons : « une compétition réussie est une compétition gagnée ». Rien de choquant dans la bouche de M. Macron pour qui les premiers de cordée tracent la voie, pour qui il y a ceux qui gagnent et ceux qui ne sont rien, enfin bref, du Macron.

Ah M. Macron, devrait-on vous rappeler vos échecs cuisants aux compétitions auxquelles vous vous êtes frotté ? Votre petit caillou dans votre soulier jupitérien ? Oui M. Macron, vous savez vos 2 échecs successifs au concours extrêmement sélectif de l’Ecole Normale Supérieure que vous occultez soigneusement. Mais là n’est pas le sujet même s’il est bon de rappeler vos impostures. Votre succès à l’entrée de votre école de gommeux n’effacera jamais vos échecs à cette école prestigieuse.

Qu’a révélé cette compétition mondiale outre ce qu’on savait déjà de l’abrutissement des peuples ? Cette manifestation aura révélé votre fascination magique pour votre image, qui la fige et l’esthétise, l’arrache à tout contexte depuis l’actualité terroriste en continu jusqu’à la surenchère distrayante des jeux et des fictions. Tout contribue à vous rendre prévisible pour ceux qui ne perdent pas de vue que la protection sociale que vous vous ingéniez à détruire est la source de l’égalité et d’un futur plus juste dans un monde où 11 joueurs milliardaires qui poussent un ballon dans une cage gardée par un autre milliardaire recueillent vos louanges et votre admiration.

Vous seriez assez bien inspiré M. Macron de nous dire combien ont couté vos 2 allers/retours en Russie pour aller suivre en direct 2 matchs et vous exhiber dans les vestiaires des joueurs. Affréter un Airbus présidentiel avec toute la sécurité requise, nous gageons que de nombreux « gens de rien » auraient volontiers profiter de l’aubaine financière. A toute fin utile, vos petites envies compulsives sont financées par nos impôts. Mais tel est le bon vouloir du Jupiter national. Vos pitreries dans les vestiaires sont consternantes. Quelques jours auparavant vous tanciez un adolescent qui avait eu l’outrecuidance de vous appeler « Manu », et vous vous affichez sans vergogne comme un adolescent dans un vestiaire avec des joueurs qui ont à peine quitté l’adolescence et qui eux-mêmes vous appellent « Manu ». Trouvons l’erreur.

Si vous ne meniez pas une politique délétère d’une dangerosité avérée avec une arrogance sans mesure, on oublierait ces frasques. Mais il se trouve que la violence que vous cautionnez et contribuez à accroitre dans votre gestion économique est le principal vecteur de souffrance de la population qui, vous serez peut-être surpris de l’apprendre, n’a pas l’heur de gagner de l’ordre de 135 000 € par jour comme ces joueurs avec qui vous vous commettez.

Rappelons en quelques mots qui risquent de gâcher la fête ce qu’est votre politique : privatisation de secteurs entiers, mesures austéritaires non graduées, partenariat resserré des oligarchies économiques, et des noblesses d’État. « En même temps » vous convoquez les partenaires sociaux à une table ronde pour les associer à vos réformes. Pour cynique qu’elle soit, l’idée de profiter d’un état de choc afin d’imposer un second choc censé réparer le premier n’est pas nouveau. Milton Friedman, l’économiste ultra-libéral dérangé qui a inspiré l’excellent livre de Naomie Klein (« La stratégie du choc ») et les « chicago boys » ne prétend pas autre chose. La question est : espérez-vous réparer votre politique de destruction avec vos pitreries pathétiques vous montrant adolescent attardé sautillant comme un zébulon ? Signe des temps ; les nouveaux supervoyous veulent à la fois culminer dans la férocité et soigner leur image ; faire régner la terreur et redorer les portraits que font d’eux fictions ou reportages. Sans doute votre stratégie fonctionnera-t-elle avec les citoyens qui vous attribueront un rôle dans ce succès, les mêmes peut-être qui pleuraient sur le cortège du cercueil de Jean-Philippe Smet autrement appelé Johnny Hallyday, mais un fait est certain, vous ne tromperez pas tout le monde.

L’économie et la finance sont aujourd’hui les vecteurs principaux de la violence, aux 2 bouts du spectre : pour prélever la richesse et pour la promouvoir, pour faire travailler et faire consommer, pour qu’accèdent au pouvoir les nouveaux despotes et pour justifier de laisser moisir tous ceux qu’elle aura sacrifiés. Le retentissement de cet évènement planétarisé en est l’écho et s’inscrit dans une logique comptable, dynamique sacrificielle, institution détournée de leur service du bien commun. Vous organisez la venue de 3 000 enfants à l’Élysée afin d’admirer les héros de ces temps dissolus, alors que leur avenir est déjà hypothéqué par votre politique. Si on osait M. Macron, on dirait « quel cynisme ! ».
Ces subterfuges médiatiques ne feront pas oublier la violence légale des restrictions migratoires, violence culturelle du discours assimilateur ou de la bienveillance folklorisante.

Nous ne conclurons pas M. Macron, la suite de nos réflexions est à venir et n’épargnera pas vos mensonges et votre médiocrité de Jupiter de comédie.

2 réponses

  1. admin dit :

    En effet chère Leila, merci pour la plume magique de notre rédacteur préféré, qui sait mesurer son courroux malgré les faits qui ô combien le justifient.

  2. Fernandez Leila dit :

    Énorme. Si je pouvais embrasser celle ou celui qui a écrit cela.
    Quel talent. Merci.

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