Perle macronesque 16

« Quand on est jeunes, 35 heures, ce n’est pas long » (E. Macron)

 

Quand on est jeunes, M. Macron est un dinosaure du XIX° siècle. Quand on est jeunes, on a d’autres projets que de devenir milliardaires ainsi que le suzerain les y engage.

Quand on est jeunes, et qu’on regarde le monde et les responsables politiques du gouvernement, on se dit qu’on n’a pas envie de vivre dans la société qu’ils nous proposent.

Macron, au-delà désormais de son ignorance proverbiale du monde autre que le sien, affiche une singularité étonnante : celle de dire ce qu’il devrait taire. Penser une sottise n’est pas en soi criminel, cela reste dans la sphère privée et il est toujours temps d’y faire amende honorable. La proférer et s’y conformer contre tout bon sens devient une illustration que l’on peut qualifier sans trop s’avancer de sottise consommée.

« L’erreur est humaine, persévérer est diabolique » dit le bon sens populaire. M. Macron on oserait vous interpeller et vous engager à méditer ce 7ème et dernier aphorisme du « Tractatus Logico Philosophicus » de Wittgenstein, « sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence ». Et même si cet aphorisme évoque l’aspect indicible du contenu du Tractatus il vous va si bien que nous ne résistons pas au plaisir de vous le rappeler.

Ainsi M. Macron juge que 35 heures de travail hebdomadaire ne représentent pas une longue durée de labeur. La généralisation du propos est d’une telle absurdité qu’on finirait par assimiler le propos et le locuteur.

Sans entrer dans une discussion infinie sur le concept de travail, quand commence-t-il et quand finit-il ?

Ainsi M. Macron, nous connaissons tous, mais cela va vous surprendre, des salariés qui voyagent plus de 2 heures par jour pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail en transports en commun, parfois debout dans une affluence telle qu’il est même impossible d’y déplier un livre. Mais il est vrai M. Macron que vous nous avez déjà fait part de votre point de vue sur cette question. Les « fouteurs de bordel » de GM&S n’ont qu’à aller chercher un emploi à Ussel, à 120 kilomètres de leur domicile, soit environ 4 heures de route aller et retour.

Question, M. Macron, plus de 2 heures de trajet est-ce ou non du travail ? En tout cas ce n’est pas non plus du temps libre. Et même « jeune » ce n’est toujours pas du temps libre.

Par ailleurs, M. Macron, vous engagez les jeunes à travailler plus de 35 heures hebdomadaires, mais faudrait-il encore qu’ils puissent travailler. La tranche d’âge des 15-24 ans enregistre un taux de chômage supérieur à 20 % M. Macron. Si vous ignorez cette réalité il va falloir que vous consultiez votre administration, ce sont ses chiffres.

Allez M. Macron, une petite leçon d’arithmétique. On sait que vous êtes fâché avec cette science, alors nous allons vous montrer que nous, les « fainéants, cyniques, extrémistes » savons compter.

Le dernier mois si les chiffres de Pôle Emploi sont justes, votre administration a compté :

527 000 nouveaux inscrits. La question est : pourquoi le nombre de chômeurs augmente-t-il seulement de 17 000, alors qu’il y a 500 000 nouveaux inscrits ? Devant vos yeux ébahis M. Macron nous allons vous révéler les supercheries auxquelles vous vous livrez.

Dans le même temps 510 900 salariés au chômage ont quitté Pôle Emploi.

Donc :

Entrées à P.E : ~ 527 000

Sorties de P.E : ~ 510 000

Solde : ~ 17 000 nouveaux demandeurs d’emplois.

Les médias, à votre service, ne commentent que le solde. Malheureusement M. Macron, seulement 47 % des sortants trouvent un emploi. Ce qui signifie, M. Macron que chaque mois plus de 200 000 femmes et hommes quittent Pôle Emploi mais n’ont pas de travail. Parmi ces femmes et ces hommes, un pourcentage important de jeunes forme ce contingent. Alors M. Macron, ces jeunes devraient travailler plus de 35 heures ?

Mais diantre, M. Macron, où est donc passé le travail ? Surtout ne le répétez pas, mais en 2014 par exemple, alors que le PIB n’augmente quasiment pas (+0.2 %) les dividendes ont bondi de +30 %. M. Macron, pourriez-vous nous dire ce que vous faisiez en 2014 ? Un autre chiffre M. Macron ? 43 % des hommes jeunes sont au chômage dans les quartiers sensibles. On n’ose à peine alors vous parler de cette autre inégalité criante du chômage des femmes jeunes.

Ce qu’il y a d’abasourdissant avec M. Macron c’est le déni de réalité. Pourtant les faits sont têtus. Mais M. Macron appartient à ce nouveau monde où les vérités fluctuent avec le marché et la finance, alors il n’est pas étonnant qu’il nous assène des « vérités » du marché.

Autre équation, M. Macron, à laquelle vous ne faites jamais allusion. Il se trouve que la productivité entre 1820 (au XIXème siècle donc ; nous nous permettons de vous préciser ce point afin que vous n’invoquiez pas une erreur sur les centaines) et 1980 a augmenté de 10 points de PIB par actif occupé ; entre 1980 et 1990, elle a augmenté de 90 points. Ce sont vos sources M. Macron, celles de l’INSEE Cela signifie que la productivité a augmenté de manière exponentielle en 10 ans. Dans le même temps M. Macron, les profits des 0.2 % des plus riches ont atteint 39 000 milliards d’euros.

Le chômage évidemment n’a cessé de croître quand la durée du travail était stabilisée à 35 heures hebdomadaires (sans compter les artifices des heures supplémentaires).

Mais M. Macron, encore une fois, la confusion de votre pensée complexe est une source d’erreurs colossales.

Ce qu’il est impératif de mettre en œuvre, M. Macron, et de manière urgente, c’est une diminution du temps de travail, afin de le partager mieux et plus intelligemment.

Mais nous comprenons bien, M. Macron, qu’il soit préférable pour les intérêts que vous défendez de mener une politique de terreur sociale basée sur le spectre du chômage, antichambre de déclassement et de misère.

Certains, notamment ceux qui vous ont mis en place M. Macron, voudraient nous faire croire que la justice sociale est un luxe auquel il faudrait renoncer en ces temps difficiles ; mais en fait c’est le seul moyen de sortir de la crise.

Les jeunes M. Macron, sont tellement lassés de vos discours d’un autre temps qu’ils nourrissent un dégoût bien légitime de votre politique. Ces jeunes, M. Macron, vivent pour beaucoup dans un monde qui vous échappe déjà. Ce sont les « nuits debout », ce sont les « fainéants » les « cyniques », les « fouteurs de bordel » fatigués de vos hérésies travestissant la réalité.

Nous vous disons M. Macron, que les jeunes et les travailleurs veulent travailler moins, que c’est le sens de l’histoire, du développement collectif et personnel, que c’est bon pour la planète, et que ce n’est pas une utopie de réfuter cet axiome : le capital doit croître pour ruisseler.

Utopie ? C’est avec les utopies qu’on a construit le monde M. Macron. Il serait souhaitable que vous preniez conscience que ce n’est pas en améliorant la bougie qu’on a inventé l’ampoule électrique. Votre politique n’est qu’un rafistolage honteux des politiques qui nous ont menés dans les excès de concentration de capital au préjudice de plus de justice.

Alors M. Macron, il ne faudrait pas vous étonner de la désaffection des jeunes pour les élections.

Derrière votre apparente jeunesse, vous êtes suranné, vos idées sont si vieilles qu’elles sentent l’univers balzacien dont vous êtes issu.

Votre acharnement à défendre ce vieux monde est pathétique ; les jeunes, M. Macron,  ne partagent pas vos rêves et ne veulent pas travailler plus de 35 heures pour augmenter la concentration de capital et détruire le monde.

« La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles. Elle est d’échapper aux idées anciennes qui ont poussé leurs ramifications dans tous les recoins de l’esprit des personnes ayant reçu la même formation ».

Cela va peut-être vous surprendre M. Macron, mais John Maynard Keynes avait déjà compris, lui.