Le revenu universel d’activité : l’indécence de Macron n’a pas de limites

Le 10 juin 2019

Macron nous avait déjà servi sa nostalgie thatcherienne, aujourd’hui fort de l’apathie sociale hormis les GJ, il lance tout azimut les réformes qui vont nous faire dangereusement converger vers le modèle anglais « Moi Daniel Blake » de l’excellent Ken Loach. Sous des apparences de rationalisation des services se profile une casse des aides sociales aux plus démunis. Macron et ses marcheurs morts se livrent à des explications confuses qui risquent de tromper bon nombre de citoyens. Ainsi ils se lancent dans des précisions vaseuses à souhait sur « le revenu universel » versus ce qu’ils n’abordent jamais, « la gratuité ». Derrière le paravent du revenu universel se cachent de nombreuses réalités dont il est nécessaire de débattre. Le revenu universel peut être le meilleur comme le pire et les économistes sont assez partagés sur le sujet. Mais encore une fois Macron n’hésitera pas une seconde à embrouiller le débat pour un moins disant social qui nous mènera inévitablement au pire. Nous vous engageons à lire attentivement cet article aussi bien documenté que pertinent.

La mise en place d’un revenu universel d’activité dès 2020 avec incitation à la reprise d’un emploi ou d’une activité démontre que le quinquennat d’Emmanuel Macron cible les personnes les plus précaires comme les responsables de leur propre sort. En Marche pour un “Moi, Daniel Blake” à la française ou quand l’indécence d’un président et d’un gouvernement n’a plus aucune limite.

Faire plus pour ceux qui ont plus et moins pour ceux qui ont moins.

Le 13 septembre 2018, Emmanuel Macron présentait le plan pauvreté devant une assemblée où il a notamment déclaré : « Nous avons pendant trop de temps essayé de corriger des conséquences dont nous chérissons nous mêmes les causes », « N’oublier personne, c’est dire aux premiers de cordée, n’oubliez pas les derniers de cordée », « Il n’y a personne qui peut être premier de cordée si le reste de la société ne suit pas. […] Cette cordée, c’est la cohésion d’un pays, c’est nous ». Un tas de mesures ont été annoncées par le président : généralisation des repas de cantine à 1 euro, petits-déjeuners offerts en REP +, création d’un service public de l’insertion et instauration d’un revenu universel d’activité…

Si on peut railler les miettes offertes par le gouvernement aux derniers de cordée : 8 milliards sur quatre ans alors que des cadeaux fiscaux ont été offerts aux premiers de cordée pour un montant de 10 milliards par an sans effets positifs sur l’économie : remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), imposition forfaitaire des dividendes ou autres revenus du capital à un taux de 30 %, suppression de l’exit tax… On peut cependant applaudir les décisions (timides) concernant l’alimentation infantile et les crèches. Mais il y a surtout une annonce qui interroge et surtout inquiète, c’est la mise en place d’un revenu universel d’activité (RUA).

 

Le glissement sémantique pour désigner par revenu universel ce qui n’est en réalité qu’une allocation sociale unique

Pour comprendre de quoi il ressort, il faut écouter et analyser le discours du président de la République : « Je souhaite créer par une loi en 2020 un revenu universel d’activité qui fusionne le plus grand nombre possible de prestations et dont l’État sera entièrement responsable », a-t-il assuré. « Je n’ai jamais cru à un revenu universel qui puisse être sans activité. En contrepartie de ce revenu universel, chaque bénéficiaire devra respecter un « contrat d’engagement réciproque », « l’obligation d’inscription dans un parcours d’insertion avec l’impossibilité de refuser deux offres raisonnables d’emploi ».

Cette allocution est intéressante car le président opère un glissement sémantique en désignant une chose par une autre. En l’occurrence, il surfe sur la vague du populaire revenu universel pour parler de l’allocation sociale unique, vaste projet prôné entre autres par les ultra-libéraux de l’Ifrap pour fusionner les minima sociaux existants dans le but de faire des économies. En effet, n’est-il pas plus séduisant et parlant de s’adresser aux Français dans le cadre du plan pauvreté en évoquant le revenu universel plutôt que l’allocation sociale unique ?

Une allocation sociale unique : simulez votre prestation

 

Les membres du Mouvement Français pour un Revenu de Base donnent la définition suivante : « Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement ». En plus de ne pas être un véritable revenu de base puisque n’étant ni inconditionnel (il y a obligation de s’inscrire dans des démarches d’insertion et de ne pas refuser deux offres d’emploi raisonnables), ni universel (il n’est pas versé à chaque personne indépendamment de leurs revenus), le RUA est en lui-même une tromperie, un mensonge dissimulé qui a pour but de rendre illégitime un concept. En clair, quel sera le bien-fondé d’un revenu de base si il existe déjà sous une autre forme ? En vidant l’idée de sa substance, Macron a commis une tentative d’assassinat idéologique. Il décrédibilise le revenu universel en usant de ce terme à des fins politiques pour masquer l’indécence de son projet.

 

Du revenu minimum d’insertion (RMI) au revenu solidarité active (RSA) : l’échec des politiques d’insertion dans la lutte contre la pauvreté

Le gouvernement de Michel Rocard met en place le RMI en 1988 suite au rapport de Joseph Wresinski sur la nouvelle pauvreté. Le RMI a rompu avec toutes les formes d’assistance classique, parce qu’il ne s’agissait plus de verser « une allocation destinée à une catégorie de pauvres en particulier, mais à tous ». Il s’agit d’un véritable filet de sécurité pour les personnes exclues et sans ressources.

Pour mieux comprendre comment le RMI a été créé, il faut revenir aux débats parlementaires qui ont précédé sa mise en place. Certains députés craignaient un développement de l’oisiveté et d’autres élus espéraient, par le biais d’un revenu minimum, améliorer le système de protection sociale dans l’optique d’une solidarité nationale. Bien que la loi sur le RMI ait été votée à la quasi-unanimité à l’Assemblée Nationale, un consensus s’est ainsi mis en place entre l’octroi inconditionnel d’un revenu minimum et un droit à l’insertion. Les législateurs ont défini « une logique du double droit, où le droit à un minimum se conjugue avec un droit à l’activité ». La loi du 29 juillet 1992 relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle renforce la mobilisation des acteurs de l’insertion en attribuant plus de moyens au pouvoir exécutif local. Cette loi a institué la notion de contrat d’insertion. Lors de sa création, le RMI relève déjà une ambiguité : si l’insertion est considérée comme un droit, alors pourquoi dans ce cas instituer un contrat ?

En 2009, Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, instaure le RSA fusionnant le RMI et l’API (allocation parent isolé), le contrat d’insertion est rebaptisé contrat d’engagements réciproques et conditionne de rechercher un emploi ou de définir un projet professionnel afin de percevoir sa prestation. On parle de droits et de devoirs pour le bénéficiaire du RSA. Robert Castel, sociologue, considérait le risque que ça ne devienne « un quasi-contrat de travail dans le sens où la ligne d’insertion vise dans sa phase finale la reprise d’une activité professionnelle ». Selon Serge Paugam, le RMI avait au moins l’avantage de prendre en compte d’autres dimensions de l’insertion, notamment en ce qui concerne la santé ou le logement, le RSA a réduit l’insertion à la seule dimension professionnelle. De plus, un contrat induit une certaine réciprocité entre les différents signataires, ce qui n’est pas le cas avec le contrat d’insertion qui est arbitraire parce que le bénéficiaire ne peut pas s’exprimer sur les réglementations formalisant son contrat. D’un droit à l’insertion institué par le RMI, on est passé progressivement à des obligations d’insertion pour les allocataires du RMI puis du RSA. Comment ce glissement s’est opéré ?

A partir des années 2000, certains hommes politiques de droite comme de gauche, qui pour paraphraser François Mitterrand, dans la lutte contre le chômage, ont tout essayé, stigmatisent les plus pauvres de nos concitoyens en les considérant, au mieux, comme responsables de leur situation, au pire, comme étant des fraudeurs ou des assistés vivant au crochet de la société. Ce discours a abouti à la réforme du RSA afin de distinguer, pour reprendre les mots de Robert Castel, les “bons pauvres” méritants et les “mauvais pauvres” assistés. La loi sur le RMI, à travers l’inconditionnalité, avait rappelé la dette de la Nation envers les plus pauvres, mais comme le dit Serge Paugam “on a parfois l’impression, aujourd’hui, que ce sont les pauvres qui ont une dette à l’égard de la nation”.

Il est utile de rappeler comment le RMI puis le RSA ont échoué dans la lutte contre la pauvreté. En détournant le regard des difficultés que subissent des pans entiers de populations fragilisées par le chômage de masse, on a misé uniquement sur l’aspect professionnel de l’insertion tout en mettant une « pression de dingue » sur les pauvres.

 

Le revenu universel d’activité est d’inspiration anglo-saxonne, le « Moi, Daniel Blake » à la française va bientôt débarquer sur vos écrans

Rappelons une statistique, le non-recours au RSA est estimé à 35 % et l’épreuve du guichet en est la raison principale. En effet, les démarches pour avoir accès au RSA sont considérées comme stigmatisantes et certains bénéficiaires font ainsi le choix de ne pas disposer de cette prestation sociale. C’est pour cette raison que le gouvernement invoque la mise en place d’un revenu universel d’activité. Simplifier et rassembler les prestations comme le RSA, l’allocation adulte handicapé (AAH), l’allocation de solidarité spécifique (ASS), la prime d’activité et les aides aux logement en une seule prestation permettra, selon eux, d’automatiser leur versement et de lutter contre le non-recours.

Il y a pourtant matière à critiquer cette allocation sociale unique (ASU) qui n’en porte pas le nom. Ainsi, France Stratégie avait présenté un rapport de fusion des minima sociaux qui entraînerait une baisse de revenus conséquente pour les personnes isolées. Embrassée par François Fillon, théorisée par Agnès Verdier-Molinié et l’Ifrap, l’ASU n’a pas pour objectif d’améliorer la situation des plus fragiles mais de verser moins de prestations aux allocataires et ainsi de faire des économies.

Mais c’est de l’autre côté de la Manche, chez nos voisins britanniques, qu’il faut chercher la principale inspiration de l’ASU ou du RUA. En 2012, cela s’est traduit par la mise en place de l’Universal Credit fusionnant six prestations en une seule. Cette refonte des minima sociaux s’est fondée sur un diagnostic similaire : complexité du système, taux de non-recours importants, décalages entre ce qui est perçu et ce qui devrait être perçu… De plus, la réforme vise également à la reprise d’activité en incitant ses bénéficiaires à retrouver rapidement un emploi. C’est la philosophie anglo-saxonne du “workfare” qui prévoit que les allocataires doivent travailler en échange de leurs prestations.

Cinq années plus tard, le bilan de l’Universal Credit est catastrophique. Loin d’avoir amélioré la situation des allocataires, de nombreux citoyens britanniques se sont retrouvés sans ressources. Fin 2016, seulement 400 000 personnes percevaient l’Universal Credit contre 7 à 8 millions de bénéficiaires potentiels. On ne compte plus le nombre de pauvres faisant la queue devant les banques alimentaires, la faim au ventre parce qu’ils n’avaient toujours pas obtenu leur aide sociale. L’Universal Credit devait simplifier l’accès aux droits, c’est tout le contraire qui s’est produit.

On a tous en tête le héros “kafkaïen” du film de Ken Loach, “Moi, Daniel Blake”, victime d’un malaise cardiaque mais déclaré apte par des sous-traitants privés de l’administration et se retrouvant à entamer des démarches humiliantes afin d’obtenir son allocation : remplir des formulaires sur Internet pour rien, téléphoner à des centres d’appels en attendant plus d’une heure au téléphone, se consacrer 35 heures par semaine à une recherche d’emploi improductive, justifier de ses recherches d’emploi devant une conseillère inquisitrice du Jobcentre (l’équivalent du Pôle Emploi au Royaume-Uni)… Palme d’or au festival de Cannes en 2016, le film a ému et choqué de nombreux spectateurs et a mis en lumière la machine à broyer bureaucratique produite par l’Universal Credit. Dans l’une des plus grandes démocraties du monde, l’administration publique britannique, censée être bienveillante et au service de ceux qui en ont le plus besoin, s’est transformée en coquille vide ubuesque dont la déshumanisation de certains fonctionnaires pourraient rappeler les pires heures du modèle soviétique. La comparaison peut paraître choquante mais après tout, les plus pauvres ne sont-ils pas consumés et détruits par le contrôle abusif et la surveillance de masse à la manière de ce qui s’est passé dans certains pays de l’Est ?

A la sortie du film, Bertrand Tavernier avait alors déclaré “Voilà ce que nous prépare Emmanuel Macron”. Nous sommes en 2018 et la prophétie du réalisateur des chefs d’oeuvre “Le juge et l’assassin” et “Coup de torchon” semble s’accomplir puisque le chef d’Etat a appelé de ses voeux l’application prochaine d’un revenu universel d’activité. Mais si l’Universal Credit est l’échec annoncé, pourquoi, dans ce cas précis, l’exécutif veut-il instaurer un dispositif similaire ? Pour le comprendre, il faut lire l’article rédigé sur le site de la fondation Ifrap “Pour une allocation sociale unique” où il n’est jamais question d’améliorer la situation des plus démunis mais surtout de réaliser 10 milliards d’économies sur leur dos.

Le RUA pose également d’autres questions : en fusionnant diverses prestations différenciées entre elles, n’y a t-il pas un risque d’écarter les publics des prestations auxquelles ils auraient droit ? Que va t-il advenir des étudiants et des personnes âgées bénéficiant actuellement de l’aide personnalisée au logement (APL) si celle-ci est désormais absorbée par le RUA ? On rappelle au passage que les aides aux logement ne sont pas un minima social, un salarié au SMIC pouvant également les percevoir.

L’autre question centrale est bien entendu celle de la conditionnalité, la prestation pouvant être suspendue après deux refus d’offres d’emploi ou d’activité. Outre l’encadrement renforcé des bénéficiaires dont les dérives bureaucratiques ont été démontrées au Royaume-Uni, c’est une véritable régression du droit et une précarisation de l’exclusion qui risque d’être entretenue par le RUA et un moyen efficace de détourner le SMIC et d’offrir une main d’œuvre à moindre coût aux entreprises publiques et privées. Il s’agirait de créer, pour reprendre les mots de Robert Castel, une forme de “précariat” avec une prolifération de contrats courts à temps partiel. L’emploi ou le bénévolat (comme l’odieuse proposition du député haut-rhinois Eric Straumann de conditionner le RSA à une activité bénévole) lorsqu’il est subi se révèle contre-productif : cela développe du mal-être au travail et des burn-outs.

 

Des alternatives existent : le revenu universel d’existence, la réduction du temps de travail et l’État comme employeur en dernier ressort

Contre le RUA et les politiques visant à stigmatiser les plus pauvres, il existe des alternatives crédibles.

La première consiste à mettre en place un revenu universel d’existence. Rien à voir, bien entendu, avec la parodie de revenu universel annoncé par le président de la République. Ce revenu universel aurait le double avantage d’éliminer les non-recours puisque ce revenu serait versé automatiquement, et de ne plus obliger ses bénéficiaires à entreprendre des soi-disant démarches d’insertion puisque ce revenu serait également inconditionnel.

Le revenu de base face aux défauts du RSA © MFRB – Mouvement français pour un revenu de base

 

Une autre piste serait de réduire la durée légale du temps de travail afin de créer des emplois. Il serait possible d’imposer aux entreprises une durée hebdomadaire comme ce fut le cas pour les 35 heures avec le risque de raviver les luttes entre le patronat et les syndicats ou alors on pourrait émettre l’idée de mettre en place un système de « droits de tirage sociaux, provisionnés par des moyens divers (financement public, Sécurité sociale, employeur, comptes d’épargne, etc.) qui permettent au salarié d’exercer sa liberté de se former, d’entreprendre, de se consacrer à sa vie de famille ou à une activité désintéressée, tout en étant assuré de retrouver ensuite sa place sur le marché du travail ». Cela existe déjà avec le compte personnel d’activité mais le dispositif est encore trop complexe pour envisager une réduction généralisée du temps de travail.

Enfin, on peut reconsidérer le droit de chacun à obtenir un emploi. Ses partisans le présentent avec l’Etat comme employeur en dernier ressort (EDR) ou la garantie universelle à l’emploi (GUE), l’Etat et les collectivités locales emploient ceux qui sont exclus du marché du travail. L’idée est simple : chaque citoyen au chômage se voit proposer un emploi public en CDI rémunéré au SMIC et à temps complet, l’offre pourra être refusée. L’expérience existe déjà à un niveau embryonnaire avec “Territoires zéro chômeur de longue durée” : les besoins d’un territoire sont recensés par un comité de pilotage, un fonds cofinancé par l’Etat et les collectivités territoriales soutiens des entreprises à but d’emploi (EBE), ces dernières recrutent des chômeurs de longue durée volontaires (inscrits depuis plus d’un an à Pôle Emploi) en CDI. Généraliser l’expérience à chaque territoire en France permettrait de lutter plus efficacement contre la pauvreté en garantissant un emploi aux chômeurs de longue durée.

 

LA GARANTIE UNIVERSELLE À L’EMPLOI, PROPOSITION D’AVENIR !

 

Un président méprisant envers les pauvres et les chômeurs

Le 16 septembre, lors des journées du patrimoine, devant un parterre de journalistes, Jonathan, un horticulteur au chômage, interpelle le président en ces mots “Nous, on est en recherche d’emploi, vous ne faites rien pour nous ! J’ai 25 ans et il n’y a rien qui tombe”. S’en suit un échange où Jonathan explique qu’il est inscrit à Pôle Emploi, qu’il perçoit le RSA, envoie des CV et lettres de motivation mais que cela ne change rien à sa situation. La réponse d’Emmanuel Macron au jeune homme est sidérante tellement elle est une preuve de l’arrogance et du mépris affiché devant les chômeurs et les précaires : “Si vous êtes prêt et motivé… Dans l’hôtellerie, les cafés, la restauration, dans le bâtiment, il n’y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu’ils cherchent des gens. Pas un… Non mais c’est vrai ! (…). Mais après il y a des tas de métiers, c’est aussi… faut y aller ! Honnêtement, cafés, hôtels, restaurants, je traverse la rue et je vous en trouve ! Ils veulent simplement des gens qui sont prêts à travailler, avec les contraintes du métier.”

Interrogé par la suite, Jonathan a confirmé que les propos de Macron avaient eu l’effet d’une claque dans la tronche, il l’a ressenti comme une humiliation publique. Surtout que le jeune homme a souvent bossé comme plongeur, justement dans les fameux cafés-restaurants où ils cherchent constamment du personnel. Mais Emmanuel Macron n’en a que faire de ces justifications. Pour lui, les pauvres sont responsables de leur sort et ils doivent se responsabiliser et justifier d’une recherche active d’emploi s’ils veulent conserver leurs minima sociaux ou leurs allocations chômage. Le président veut aller encore plus loin, dans sa logique, en instituant un revenu universel d’activité afin d’obliger ses bénéficiaires à accepter n’importe quelle offre d’emploi. De plus, l’indécence du président n’a plus de limites lorsqu’il reprend à son compte le revenu universel, falsifiant et décrédibilisant au passage cette idée, pour, au final, instaurer l’allocation sociale unique.

Cette forme d’allocation sociale unique, déjà mise en place au Royaume-Uni, sous le nom d’Universal Credit, désormais remise en cause par quasiment toute la classe politique, est à l’origine de la paupérisation d’une frange de la population.

D’un droit à l’insertion accordé avec la création du RMI, nous allons désormais passer à une obligation d’insertion, voire une obligation d’emploi ou d’activité sans que cela n’améliore la situation des allocataires des minima sociaux. Les résultats de ces politiques ont été désastreux sur un plan humain et social, obligeant les administrations, censées aider les personnes, à basculer dans le contrôle accru des bénéficiaires, lesquels sont obligés de prouver constamment qu’ils recherchent un emploi en accomplissant un tas de tâches inutiles et humiliantes.

Et pourtant, il y a des alternatives : le revenu universel d’existence (ou revenu minimum garanti si l’on ne considère pas l’aspect universel), la réduction du temps de travail ou la garantie universelle à l’emploi sont tant d’idées susceptibles de transformer durablement la société en considérant les personnes les plus précaires et les plus exclues comme étant des membres à part entière de notre société. Liberté, égalité, fraternité, telle est la devise de la République française. Ne serait-il pas temps d’activer le volet fraternité et de tendre la main aux démunis au lieu de les stigmatiser et de les humilier ?

de Nicolas NAFZIGER

le 13 OCT. 2018

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