L’acte II d’un quinquennat mortifère

Deux longues années de destructions organisées de notre modèle social, une mobilisation citoyenne hors du commun des Gilets Jaunes, une répression d’une violence inégalée dans notre pays, une croissance vertigineuse de la misère et de la précarité n’auront pas suffi à stopper les ardeurs dévastatrices de notre Jupiter élyséen. Comme un « Chicago boy » nourri à l’idéologie ultra libérale délétère de Milton Friedman et formé dans le sérail du capitalisme sauvage, Macron va entamer ce qu’il nomme pudiquement « L’acte II » de son quinquennat.

Nous renvoyons les lecteurs à un article sur ce site fixant le bilan déjà affligeant de « L’acte I » : « Macron ou le pompier pyromane de la République : 2 ans déjà ! ».

Au-delà de la personnalité singulière de cet histrion qui peut monopoliser toutes les gloses tant elle est pathologique, il reste les faits annoncés d’un futur qui vont nous mener inexorablement vers un champ de ruines d’une société plus inégalitaire que jamais. Les gouvernements Sarkozy puis Hollande avaient écrasé notre présent, Macron veut en finir avec le futur.  La « Crise Macron » qui a eu pour effet de mettre des milliers de gens dans la rue, d’anéantir les corps sociaux intermédiaires, a altéré considérablement la capacité de médiation des institutions. Sous le sceau de la manipulation linguistique vide de sens, le philosophe ridicule a invoqué « un nouveau monde » comme s’il était inspiré par la querelle historique des nouveaux contre les anciens. Le nouveau monde de Macron, c’est d’abord un retour dans le passé, à l’époque du capitalisme féroce où les tenants du capital ne cessaient de faire croître leur fortune tandis que les producteurs de richesses ne cessaient de s’enfoncer dans la pauvreté. Le nouveau monde de Macron c’est le XIX° siècle remis au goût du numérique, rien de nouveau dans tout cela si ce n’est la méthode.

Toutes ses destructions massives de protections qui fondent notre pacte social seraient un « bond en avant ». On ne conteste pas ce bond, ce qui nous inquiète le plus c’est que nous sommes au bord du précipice.

Son exécuteur des basses œuvres, Edouard Philippe, un voyou de la pire espèce (lire à ce propos l’article sur ce site de Juan Branco sur le personnage d’Edouard Philippe), a clairement annoncé le nouveau virage à droite de la politique économique et sociale du pouvoir lors d’un discours de politique générale à l’Assemblée Nationale.

Nous nous orientons définitivement vers une société thatchérienne tant chérie par le menteur vertical. D’abord nous aurons une réforme qui drastiquement va durcir les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi. A l’heure actuelle il faut avoir travaillé l’équivalent de 4 mois durant les 28 qui précèdent la fin d’un contrat de travail pour pouvoir prétendre à une indemnisation. Il faudra dans un avenir proche justifier de 6 mois d’activité durant les 24 mois qui précèdent. L’objectif, commenté par le grand argentier Bruno Lemaire, est de réduire le nombre de chômeurs et accessoirement de faire plus de 3 milliards d’économie sur 3 ans. Cette réforme devrait voir le jour dès le mois de juillet 2019. Cette mesure aura de graves conséquences sur les travailleurs en emplois précaires tels les CDD et l’Intérim. Le gouvernement a tenté de pallier ce problème en « pénalisant » les employeurs « abusant » de ces contrats. On ne doute évidemment pas un seul instant que ces employeurs vont adopter une attitude vertueuse face à ces menaces. Ou peut-être renforceront-ils le statut de « stagiaire », voire adopteront-ils l’emploi non déclaré ?

La question est de savoir si cette mesure très anglo-saxonne va inciter les demandeurs d’emplois à traverser la rue, si elle sera naturellement créatrice d’emplois ou si simplement cela permettra arithmétiquement de radier ces demandeurs des statistiques du chômage. On vous laissera juges de choisir !

A l’heure où la vraie question est de s’interroger sur le travail lui-même, sur la croissance infinie dans un monde fini, sur la productivité, on préfère stigmatiser les travailleurs.

Une invention digne du manipulateur en chef sur l’âge de la retraite : l’ «âge pivot » de 64 ans. En deçà de cet âge, c’est-à-dire entre 62 et 64 ans, il serait appliqué un malus qui prendrait la forme d’une décote de 5% et au-delà, après 64 ans, une surcote de 5%. C’est encore le « en même temps » qui aura fait la marque de fabrique du philosophe des bacs à sable et qui lui permet sans vergogne de se rouler dans des discours contradictoires et d’annoncer le tout et son contraire. L’âge légal du départ retraite ne sera pas modifié, les conditions seront « juste » dégradées.

Cet objectif conjugué à celui de la retraite à points aura pour vocation de baisser le montant des retraites au lieu de mettre en place des financements pour les honorer. L’Espagne a par exemple décidé de taxer les banques et ses produits financiers afin d’alimenter les caisses de retraites. Il existe donc des solutions.

Il reste comme mesure annoncée la réforme constitutionnelle dont un des items est de réduire de 25 à 30% le nombre de parlementaires, ce qui aura pour effet de diminuer la représentativité (pour celles et ceux qui y croient encore). Quant au RIC rebaptisé RIP durant le « grand débat » de miroir aux alouettes, il semblerait qu’il soit revu à une telle amputation que le dispositif perdrait tout son caractère pertinent.

Toutes ces mesures prennent forme dans un climat social où les forces d’opposition de gauche sont plus faibles et désunies que jamais. La France Insoumise semble être en butte à une crise importante de démocratie interne. Le parti socialiste se cherche une nouvelle identité avec la fusion de plusieurs mouvements sous la tutelle de Raphael Glucksman -personnage au passé aussi sombre que surprenant. Le PCF n’est plus audible, même s’il reste un des rares à proposer un organe de presse de qualité complètement indépendant par son journal « L’Humanité » au bord du dépôt de bilan. Quant aux partis trotskystes, le NPA et Lutte Ouvrière, leur représentation reste malheureusement marginale. Pendant ce temps-là, Macron a bipolarisé les choix politiques de manière honteuse en faisant artificiellement monter le RN. Aujourd’hui, il se veut le dernier rempart devant la peste brune par un scandaleux « C’est moi ou M. Lepen ». Le jeu de cette démocratie agonisante rend désormais le vote caduc puisque, in fine, il s’agit de choisir entre la peste ou le choléra. Macron, le menteur, Macron le manipulateur, Macron l’incompétent, Macron dont la toxicité n’est plus à prouver légitime son autorité sur une minorité représentative. Comment allons-nous empêcher cette destruction ? Comment va-t-on mettre un terme aux agissements mortifères de ces marcheurs morts ? Comment rendre Macron au néant qu’il n’aurait jamais dû quitter ?

Nous sommes tout, ils ne sont rien, et si nous disons que nous ne consommerons plus dans les temples du consumérisme, que nous refusons l’usage des banques de dépôts qui jouent également le rôle de banques d’affaires, que nous refusons de cautionner l’usage qui est fait de nos impôts, que nous soutenons les luttes du personnel médical à bout de souffle ainsi que celles du personnel enseignant dans une unité retrouvée par les forces de gauche, alors il est probable que la peur change de camp.

Il est une autre constatation évidente, le modèle de la croissance impliquant le plein emploi n’est plus de mise. Nous vivons une révolution, nous avons fait plus de gain de productivité sur les 40 dernières années que sur les 2 siècles précédents. Exigeons un nouveau modèle économique basé sur les nouvelles technologies au service de la sauvegarde de notre planète. Exigeons de travailler moins pour vivre mieux.

Alors peut-être arriverons-nous à nous affranchir de cette grave maladie de notre société qu’est le macronisme, enfant bâtard du thatchérisme, nous menant irrémédiablement à notre perte.

Juin 2019